vendredi 13 février 2009

Résumé des contributions de l'ouvrage Patrimoine et mondialisation

RESUME DES CONTRIBUTIONS (dossier réuni par Mathilde Gautier)

Patrimoine et Mondialisation

I- L’internationalisation croissante des relations culturelles : le patrimoine entre local et mondial

1.1 Echanges culturels internationaux et diversification des formes culturelles locales


Partant de l’étude des musées égyptiens et français, les deux premières contributions développent une analyse très proche. La prise en compte du temps long leur permet de s’émanciper des discours, souvent emprunts de présentisme, qui assimilent la « mondialisation » à une homogénéisation croissante et une mise en danger des diversités culturelles. Les deux contributions montrent au contraire que les échanges internationaux, qui impliquent des interlocuteurs variés, ne s’opèrent jamais à sens unique et que la diffusion de formes culturelles s’accompagne toujours d’ajustements locaux. Le troisième papier traite de deux organismes internationaux aux prises avec le dilemme universalisme/relativisme.

A qui appartient le patrimoine égyptien ? La mondialisation de la culture pharaonique et l’histoire des musées en Égypte (Bruwier & Mairesse)

A partir du cas égyptien, l’article montre que l’histoire des musées de ce pays ne se limite en aucun cas à l’importation d’un modèle issu des pays occidentaux. Réfutant la thèse quelque peu simpliste d’un rapport de force entre culture « dominante » et culture « dominée », laquelle se traduirait par un processus d’homogénéisation, les auteurs montrent qu’on est plutôt en présence d’échanges et d’emprunts réciproques dont la synthèse locale garantit un renouvellement et une diversification des formes culturelles.

Les échanges internationaux comme point d’ancrage de la modernisation et de la diversification des musées français (Hertzog & Poulard)

L’article montre que l’évolution des musées de collectivités depuis l’entre-deux-guerres (qu’il s’agisse de leur finalité sociale ou de la diffusion de nouvelles normes de conservation et de présentation) est intrinsèquement liée aux changements qui affectent les musées sur le plan international. De ce point de vue, les échanges internationaux et leur intensification ne sont pas à l’origine d’une homogénéisation des musées et d’une uniformisation culturelle, si souvent dénoncées. Ils sont au contraire au fondement de leur diversification, dont l’intensité varie certes en fonction des périodes.

ICOM et ICOMOS, deux ONG internationales entre universalisme et relativisme (Labadi & Wintzerith)

Le 20ème siècle a vu la naissance et le renforcement d’un certain nombre d’organisations internationales de protection et de valorisation du patrimoine (qu’elles soient intergouvernementales ou non-gouvernementales). L’article révèle que ces organisations oscillent entre des actions universalistes et des actions relativistes. Ce dilemme, qui reflète plus largement les problèmes de coordination avec chaque Etat, est au cœur de leurs missions. Mais pour des raisons historiques et conjoncturelles, elles le résolvent différemment, ce qui pèse sur les mesures de protection.

1.2 Multiplication des échelles d’intervention et problèmes de coordination

Si, en matière de protection du patrimoine, la diversité des acteurs impliqués et des échelles d’intervention (locales, nationales et mondiales) n’est pas nouvelle, leur accroissement pose avec acuité la question de leur articulation.

Le patrimoine culturel et la souveraineté politique : une liaison en quête de sens (Héritier & Thuriot)

En s’intéressant à l’histoire de la protection du patrimoine français, l’article retrace l’évolution des actions menées et des formes de coordination entre les différentes instances. Tout en rappelant l’impulsion majeure de l’Etat, il pointe le rôle croissant des initiatives locales et des organisations internationales. En dépit de sa perte d’influence, le rôle de l’Etat n’est pas pour autant obsolète, puisque le patrimoine valorisé par les collectivités locales et les institutions internationales est celui là même qui a été produit au niveau central et que des normes protectrices contraignantes continuent à orienter les actions.

Musées et monuments entre enjeux d’image et de gestion aux différentes échelles territoriales (Regourd & Thuriot)

L’article revient sur la délicate gestion économique du patrimoine face aux enjeux internationaux : les sources de financement complémentaires ou la délégation de service public et les dangers qu’ils font peser sur le culturel. Contrairement aux industries culturelles (qui constituent des marchés internationaux de services et relèvent d’une mobilité de circulation), le rapport des musées et des monuments à la mondialisation économique se pose dans des termes différents. Il s’agit en effet de « biens publics », caractérisés par une insertion territoriale.

Inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO : les effets de classement et les stratégies d'acteurs territoriaux européens. Analyse de la candidature du réseau transnational de villes du « Septentrion » (Alcaud & Wert)

La multiplication des acteurs et des institutions engagées dans la sauvegarde du patrimoine interroge la coordination de leurs actions. L’article s’efforce d’y répondre, en partant d’une mesure emblématique de protection du patrimoine : l’élaboration de projets en vue d’une inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. Derrière l’apparente cohérence de cette candidature, les auteurs montrent au contraire que les modalités de coopération résultent plus d’une série de tâtonnements et de « bricolages ». En montrant que les acteurs territoriaux saisissent des opportunités dans un contexte de luttes d’influence et de compétitions entre projets, l’article pointe les enjeux locaux d’un système de protection et de valorisation du patrimoine pensé à l’échelle mondiale.

II- Mondialisation des stratégies et des pratiques

2.1- Concurrence et coopération : vers une uniformisation culturelle ?

Si l’histoire permet de relativiser les craintes qui pèsent sur la reconnaissance des diversités culturelles (homogénéisation et diversification constituent les deux facettes d’un même phénomène), l’accroissement des échanges internationaux, l’essor des moyens dévolus à certains établissements et la compétition qu’ils se livrent posent la question de l’uniformisation des manifestations institutionnelles et de leur caractère inflationniste.

Internationalisation des musées : effet de domination ou coopération culturelle ? Le cas de la fondation Guggenheim et du musée de l’Ermitage (Gosselin & Tobelem)

L’article se penche sur la fondation Guggenheim et le musée de l’Ermitage. Les développements entrepris par ces deux établissements reflètent l’essor de stratégies muséales tournées vers le développement international. L’article interroge par ailleurs la pertinence de « la coopération décentralisée » comme alternative aux stratégies inflationnistes actuellement suivies.

La réputation des musées et des monuments superstars (Gombault & Petr)

A partir du cas des grands musées et monuments, cet article s’interroge sur l’effet « superstar » qui résulte tant de l'offre institutionnelle que de la demande d’une partie du public, perceptible à travers les représentations qu’ils partagent ainsi que leurs comportements.

Commerce, culture et mondialisation : les expositions événementielles et les boutiques de musées aux Etats-Unis et en France (Donnelly & Gautier)

L’article se penche sur les stratégies événementielles des grands musées français et américains. D’une manière générale, les grandes expositions se répartissent autour de quatre thèmes principaux : les impressionnistes (expositions la plupart du temps co-organisées avec les grands musées d’art américains et français), les « vieux maîtres », les trésors et les mythes des civilisations disparues ou des pays orientaux et, plus récemment, la culture dite « populaire » (Titanic, Pixar, Star Wars, Disney, etc). Leur multiplication s’accompagne d’une généralisation des stratégies commerciales, lesquelles tendent à rendre moins évidente la frontière entre établissements publics et industries culturelles.

2.2 Diversité des usages d’un nouvel espace mondialisé

La réflexion concernant l’internationalisation des échanges culturels ne peut être dissociée de celle de leurs supports. Les nouvelles technologies constituent de ce point de vue une évolution dont il convient d’interroger les effets dans le champ culturel et patrimonial. Elle permet de s’interroger sur l’inflation des stratégies de communication du patrimoine et sur leurs modalités d’appropriations par les usagers.

Mondialisation et hypermédias de médiation du patrimoine (Mahoudeau & Rojas)

Cet article s’intéresse lui aussi à l’incidence de l’Internet et du Web dans la médiation des savoirs culturels et aboutit à des conclusions très proches. Tout en témoignant d’une uniformisation des techniques, la généralisation des sites Web de musées et des dispositifs hypermédias d’incitation à la visite de sites touristiques culturels et naturels ont contribué à une plus grande hétérogénéité des productions.

Enjeux politiques et usages sociaux de la numérisation du patrimoine immatériel : l’exemple de la mémoire du génocide nazi des Juifs d’Europe (Gagnebien & Paris)

Partant de la numérisation de l’information patrimoniale relative au génocide des juifs d’Europe, l’article révèle qu’Internet a permis un accroissement considérable de l’offre, mais a contribué dans le même temps à son éparpillement. En effet, il n’existe pas de politique coordonnée et les tentatives de fédération continuent de se heurter au clivage institutions/amateurs. Cette inflation de l’offre a pour corollaire une diversification des formes d’appropriation de ce patrimoine immatériel.

L’OMC, l’UE et le patrimoine culturel : la numérisation au service de la diversité culturelle ? (Rojanski & Vidal)

L'Organisation mondiale du commerce n'apparaissant pas comme l'enceinte appropriée pour la conduite d'une réflexion sur la culture, la contribution rappelle les risques d'une application stricte des principes de libéralisation des échanges économiques aux produits culturels. L'objectif de diversité culturelle promu par l'UE passe par un soutien public renouvelé en faveur du secteur culturel et par une régulation adaptée aux spécificités de ces activités, alors même que se développent les nouveaux services et les nouveaux modes de diffusion, notamment sur l'internet. De ce point de vue, la politique de numérisation du patrimoine culturel constitue une dimension essentielle au service de la préservation et de la promotion de la diversité. Au niveau international, le rééquilibrage de l'interface commerce / culture passe nécessairement par une mise en œuvre de la récente Convention sur la diversité des expressions culturelles, élaborée au sein de l’Unesco et conçue comme une base juridique visant à légitimer les mesures gouvernementales de soutien à la culture.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire